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Critiques cinéma par Benjamin Adam
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26 mai 2010

Kaboom - Gregg Araki


Gregg_Araki_Kaboom_1

Ca commence avec un rêve. Smith, presque 18 ans, l’œil hagard et du poil au menton, ère dans un couloir lumineux. Il y croise des femmes, certaines connues, d’autres non. Ca se termine sur une benne à ordure rouge. Jusqu’ici tout va bien.

Réveil. Présentation des personnages : Thor le colloc’ surfer demeuré et cible de fantasmes pour notre héros, Stella la copine lesbienne au ton monocorde et aux mots tranchants. C’est drôle, la salle rit, et il y a de quoi. Puis vient la fête. Smith, défoncé au space cake,  croise deux des inconnues de son rêve et assiste au meurtre de l’une des deux par un groupe d’hommes portant des masques d’animaux. Le spectateur sourit, imagine à l’avance ce qui pourrait suivre sans se douter qu’il est loin, très loin de ce qui l’attend… sauf si par hasard il est familier de l’univers  de Gregg Araki en quel cas le choc sera moins brusque. Car après le mystère viennent les réponses et à partir de là, plus le temps de se poser ou de réfléchir. C’est là la première qualité de Kaboom : son rythme. Un crescendo ininterrompu de révélations toutes plus absurdes les unes que les autres qu’Araki fait ingurgiter à son spectateur sans lui laisser l’occasion de les digérer.

Absurde, le mot est faible. Dingue, barge, complètement barré. Kaboom est un pari risqué. Il mise tout sur ce plaisir secret du spectateur qui le pousse à préférer de temps en temps le nanar au classique, cette jubilation que l’on ressent lorsqu’un twist des plus improbables est accepté avec seulement une légère surprise par les personnages. Ce plaisir qui fait que les films bis et les séries Z ont pu avoir et ont encore leur public. Kaboom fait du bien car s’il existe ces films qu’on aime sans oser se l’avouer, Kaboom est un film qui nous fait aimer cet aveu.

Ambiance campus et fin du monde, sexe et alcool associés à la sorcellerie et aux pratiques vaudous : le scénario de Kaboom pratique les mélanges les plus improbables mais surtout réussi l’exploit de nous les faire accepter et apprécier. Cela passe tout d’abord par ce rythme, évoqué précédemment, et dont les principaux instruments sont des transitions de montage type « powerpoint » qui si elles peuvent surprendre au départ s’avèrent d’une grande efficacité. Voir l’écran effectuer un demi tour ou éclater en morceaux permet de passer de scènes fortes en scènes fortes au moyen de véritables chocs visuels qui n’accordent aucun repos. D’une autre façon, la concentration de l’action à un nombre de lieux et de personnages limités permet une familiarité que l’on se surprend à ressentir et à force de côtoyer les mêmes, les plus singulières révélations apparaissent évidentes. On gagne ce sentiment que chaque chose doit avoir sa raison d’être pour être ainsi montrée, même le détail le plus insignifiant ou tel personnage en apparence secondaire. Mais c’est surtout par l’usage qu’il fait du son qu’Araki arrive à faire passer en une seconde son spectateur du sourire narquois à l’adhésion totale : ainsi chaque intervention de Lorelei, sorcière lesbienne et nymphomane, commence dans un rire nerveux face au ridicule de la chose (yeux rouges clignotants, voix rauque) avant de se muer en une réelle tension, alimentée par une ambiance sonore de plus en plus pesante.

Araki parvient à créer une parfaite synthèse entre un scénario du type des pires séries Z, quoique abordant au passage des thèmes existentialistes tel que la fin du monde et la contingence de l’être, et une esthétique d’une beauté suffisante pour nous le faire accepter. Les jeux de couleurs notamment y prennent une grande part, que ce soit les espaces verts du campus, le doré de la plage nudiste ou cette cohabitation fantastique entre un bleu électrique baignant la scène et un rouge diffus s’échappant des coins des décors. Les références à Lynch sont évidentes, avec par exemple le personnage de la brune Lorelei ou les plans d’autoroutes façon Lost Highway. Kaboom pourrait ainsi se définir comme un Mulholland Drive où à chaque question étrange que le film pose (et Dieu sait qu’il y en a), Araki apporterait une réponse encore plus folle que la question même et qui en détruirait tout le sérieux.

Après un départ dubitatif, Kaboom ne laisse qu’une alternative : l’acceptation ou le rejet. Un choix que souligne la référence au Chien Andalou où l’œil tranché annonçait en préambule la nécessité de changer ses habitudes de spectateur. Dans le premier cas, le film ne pourra se terminer qu'en une apothéose jubilatoire, trip dément façon grand huit qu’on n’ose pas retenter tout de suite de peur d’être déçu par la seconde prise.


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B
Have a look<br /> <br /> http://www.blast.fr/video/kaboom/
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