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Critiques cinéma par Benjamin Adam
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29 mai 2010

The Myth of the American Sleepover – David Robert Mitchell

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         En 1973, Georges Lucas tournait American Graffiti. Relatif succès commercial à l’époque (il y eu même une suite, complètement oubliée), le film depuis a quelque peu été éclipsé par l’œuvre majeure de l’homme dont il a pourtant permis la réalisation en donnant une crédibilité au jeune réalisateur. The Myth of American Sleepover est, si pas un remake, du moins un hommage au film de Lucas auquel il emprunte la trame principale : une dernière nuit d’été avant la rentrée des classes traversée par les errances de jeunes adolescents, comme s’accrochant à cette époque transitoire de leur vie où les rêveries romantiques sont toujours permises et où l’insouciance n’est pas encore devenue un péché.


The Myth of American Sleepover. Un titre étrange. Il y a comme une douceur dans le mot « sleepover » lorsqu’on le prononce, une lenteur qui rend facilement enclin le spectateur français à  le traduire un peu rapidement par « somnambule » plutôt que par son sens réel de « soirée pyjama ». Pourquoi mythe ? La soirée pyjama, presque une institution pour évoquer les années adolescentes. Ces soirées où l’on prend matelas et sac de couchage pour surtout ne pas dormir. La preuve en est, sa récurrence dans tous les teen movies américains. Un mythe, l’adolescence. Une période de souffrances nous dit-on lorsqu’on est dedans, de douleurs comme jamais plus on n’en vivra. Mais aussi pleine de ces moments de bonheur et de folie qui sont autant de créations artificielles mi-conscientes dans le but d’avoir un idéal auquel se raccrocher une fois adulte. L’adolescence, ou la création continue d’un futur paradis perdu.


C’est ce paradoxe qui traverse le film, cette idée qu’alors que l’on entre à l’âge adulte, chaque action vécue au présent est déjà pensée comme un souvenir pour le reste de notre vie. Ils s’amusent mais certains semblent déjà ne plus y croire. C’est la fin d’un monde filmée comme une fin du monde, d’où cet empressement à réussir à atteindre son but avant le lendemain : retrouver la belle inconnue par exemple, comme le fait ce personnage directement repris du film de Lucas où Richard Dreyfuss désespérait de revoir la belle blonde aperçue au coin d’une rue. Mais ici, l’enjeu semble encore plus puéril et à moitié avoué. On pense en voyant la quête de ce garçon à American Pie où il fallait perdre son pucelage avant la fin du lycée. Réelle quête romantique ou bien simple désir d’embrasser une fille pour le raconter à ses amis le jour de la rentrée ? Pourquoi cette échéance ? La peur de « rater » son adolescence sans doute, de ne pas avoir assez rempli ce réservoir à nostalgie pour les décennies à venir. Même ceux qui ont dépassé cette époque bénie cherchent encore à s’y raccrocher, avec le sentiment qu’ils peuvent encore la modifier, redistribuer un peu les cartes. C’est par exemple ce grand frère, en fin d’études universitaires, qui retrouve un amour passé en la personne de sœurs jumelles entre lesquelles il ne parvient à trancher. Errance dans les couloirs du lycée, errance dans les pages du Yearbook qui le conduit à scruter le fond de photographies dont il n’avait vu jusqu’alors que le premier plan. Creuser ce qui est derrière de peur d’aller de l’avant, refus de choisir entre les jumelles pour conserver cette mythologie de l’amour adolescent où tout semble permis.


 Le film est drôle, dans ses dialogues et ses situations comme tout teen movie (pris ici au sens large du terme), mais est plein de cette tristesse du souvenir vécu au présent. Une tristesse créée par une forme d’intemporalité : années 2000, ou 90 ? Pas de portables, pas de références musicales ou cinématographiques qui donneraient un indice, des t-shirts et des jeans comme on en porte depuis vingt ans. Ce n’est pas aujourd’hui. Ca pourrait pourtant. Même en l’absence d’Ipod. Le film oscille, presque vidéo souvenir d’une époque qu’on n’est pas sûr d’avoir vécu. La photo y est pour quelque chose. Un grain épais qui fait penser à du Super 8 ou aux vieux caméscopes, et une lumière grise et froide pour commencer, la lumière des rentrées des classes, qui nous ferait presque sentir l’odeur des feuilles mortes mouillées. Puis vient la nuit et c’est la lumière des lampadaires, des torches électriques, qui découpent dans les ombres des visages diaphanes. Passage sublime du film, la traversé du « couloir des amoureux » résume toute cette ambivalence : à la fois squat lugubre pour jeunes pervers en quête d’expérience d’un soir et lieu hors du temps où des silhouettes à deux visages se dessinent sous les faisceaux des lampes torches. D’une part la réalité prosaïque du moment et de l’autre, le souvenir poétisé tel qu’il restera en mémoire.

***-

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