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Critiques cinéma par Benjamin Adam
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30 juin 2010

Another Year - Mike Leigh

Anotheryear


L’amitié et la solitude, seul ou à plusieurs. Ces deux termes, Mike Leigh les fait jouer sur l’espace d’un an, une tranche de vie où se croisent une poignée de personnages. La solitude, c’est celle du couple que forment Gerry et Tom, solitude heureuse, à deux, coupés de tous en regardant la pluie tomber depuis l’abri au fond du jardin. Solitude que vient régulièrement rompre Mary, la collègue excentrique en mal d’amour et en déni complet de son propre âge. Amitié du couple envers l’excitée qui fond en larmes après quelques verres, indulgence puis colère quand elle cherche à séduire leur fils, Tom, lui aussi cherchant à briser sa propre solitude par une forme d’amitié qu’il appellerait amour.

Mike Leigh montre les limites, là où l’amitié pardonne, là où au contraire elle se doit d’agir, quitte à faire souffrir. Il évoque autant la joie de vivre que la peur de la vie. Des sentiments qui passent par les mots, au travers de dialogues où chaque phrase peut doubler son sens à l’aide d’un sourire complice adressé à un autre interlocuteur, mais qui se disent essentiellement par les regards. Ceux-ci se croisent en échanges presque télépathiques à travers le couple, ils signalent une détresse sans fin chez Mary, ils lancent des appels à l’aide involontaires ou de violentes réprobations sans que rien ne soit dit.

Les acteurs sont magiques dans ce film. On les sent aimés du réalisateur et aimant leurs personnages. C’est comme du théâtre et pourtant cela sonne vrai d’une façon effrayante. Des répliques drôles, des bons mots, des phrases qui tranchent et jamais la sensation d’avoir un scénariste en pleine extase qui soufflerait au creux des oreilles ses morceaux choisis. Tous se les approprient par ces jeux faits de regards et de sourires où l’on devine leurs passés respectifs, les « autres années » qui ont précédé celle-ci et qui les ont fait devenir qui ils sont.

Pourquoi alors Mike Leigh ressent-il le besoin de figer cette énergie dans des gros plans encadrant chaque visage en une suite de portraits ? Pour souligner ces échanges et ces non-dits ? Cela fonctionne dans les scènes où les émotions vacillent. Celle d’introduction par exemple où Imelda Staunton parle avec un psychiatre : le regard fuit, les doigts se tordent, chaque mot est un aveu impossible qu’il s’agit de cracher hors de soi. Alors le cadre enferme, rend cette solitude en effaçant l’interlocuteur qui n’est plus qu’une voix et une silhouette floue en amorce. De même, la colère de Gerry et de Tom quand Mary dépasse les limites : un regard entre eux, deux plans qui  éclipsent l’objet de leur désapprobation. Mais lors des moments de joie, de partage comme le dîner en extérieur pendant l’épisode estival, la caméra isole toujours aussi froidement quand on aimerait la sentir bouger avec nous de groupes en groupes, allant vers les uns et les autres, suivant un regard pour en attraper un autre. Au lieu de cela, elle découpe, tranche, oppose alors que tous communient.

Mike Leigh n’est plus aussi univoque que dans son Happy Go Lucky, ce n’est plus « ceux qui arrivent à être heureux » contre « ceux qui n’y arrivent pas ». La joie a son prix, qu’on paye nous-mêmes ou que l'on fait payer à ceux qui nous sont proches. Dommage que cette liberté gardée dans le propos ne soit pas toujours suivie par une mise en scène plus évolutive.


***-

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