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Critiques cinéma par Benjamin Adam
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2 octobre 2010

Simon Werner a disparu... - Fabrice Gobert


simon_werner



            « On se fait des films à partir de rien… », voilà ce que nous raconte Simon Werner… Un élève disparaît et d’un coup, les histoires les plus folles sont inventées par chacun. Opposer le pouvoir de la fiction au banal du réel, l’idée était intéressante. Le souci est qu’elle est un peu trop bien démontrée. L’ « effet  soufflé », voilà ce dont souffre le film de Fabrice Gobert. Un suspens ça se ménage, ça se construit et se renouvelle. Gobert sait le préparer son suspens, il connaît la recette et nous sert d’emblée son film sur un plateau avec une scène d’ouverture magnifique. Une ambiance sombre et onirique, alors que l’on voit la silhouette d’une jeune adolescente marcher au rythme de la musique de Sonic Youth. Puis suit le mystère, un corps dans une forêt, des cris, la jeune fille s’enfuit quand une silhouette braque vers elle une lampe torche. Le suspens est à son comble, notre soufflé est beau, brillant, gonflé, bref…appétissant. Brusque cut et retour en arrière avec un carton affichant le nom d’un des personnages, « Jérémie »… l’histoire va d’abord être revécue depuis ses yeux jusqu’à ce point final où les questions sont restées sans réponses avant de suivre le même parcours avec d’autres personnages. L’idée n’a rien d’originale mais elle offre de nombreuses possibilités : raconter une même histoire sous différents points de vue, et ainsi jouer à contredire les attentes, changer les regards, multiplier les pistes et les fausses routes. Rien à voir avec Elephant où le changement de points de vue illustrait l’opposition entre routine et évènement, ou comment le quotidien peut se muer en horreur à tout moment. Ici, c’est jouer avec les projections du spectateur, sa capacité à raconter pour lui-même ce qu’il va se passer afin de mieux le surprendre.

         Passent quarante minutes, soit les deux premiers points de vue, et le soufflé gonfle encore. Il se charge d’innombrables questions, de multiples suppositions, prêt à craquer. Le spectateur, lui, est emballé, il veut savoir bien sûr… alors viennent les réponses. Il reste encore quarante autres minutes, mais elles arrivent déjà. Des réponses, servies comme on cocherait consciencieusement une liste de courses pour être sûr de n’avoir rien oublié, élucidant chaque mystère du plus récent au tout dernier, à savoir le titre du film. A chacune d’elle, le film se dégonfle un peu plus : « Ah oui… », « ah d’accord », « c’était donc ça », « en fait c’était lui », « ah, c’était seulement ça »... Certes, le point est prouvé, on cherche les raisons les plus folles là où il n’y a que des réponses simples. Mais fallait-il pour autant plomber de la sorte le rythme du film en opposant sa première et sa seconde moitié par des tons aussi différents ?

La multiplication des points de vue ? Génial pense-t-on au départ, alors que l’inattendu surgit dès le second protagoniste suivi. Plusieurs passages sont riches de ce qu’offre ce procédé, tel que cette scène perçue d’un côté et de l’autre d’une vitre, d’abord sans puis avec paroles, illustrant notre tendance à coller des mots sur des gestes. Puis c’est une phrase échangée entre deux ados qui change de sens, une fois un baiser partagé dont on ignorait l’existence, c’est un regard de pervers qui s’avère tendre, un ennemi qui se révèle amical, un proche dont les caresses deviennent synonymes de traitrise. Mais bien vite, les défauts et désavantages reprennent le dessus. Des répliques comiques sont répétées à chaque fois et ce qui était d’abord drôle devient rapidement exaspérant, quant à la narration, elle se construit autours de moments clés revenant régulièrement afin d’éviter la perte de repères du spectateur… et favorisant par la même la routine et donc l’ennui. Restent de jeunes acteurs pour la plupart excellent, une superbe bande-originale et une atmosphère type rentrée des classes, teintées de couleurs vertes et marron particulièrement douce et inquiétante au regard. Pour le reste, la déception donc… c’est ce dont nous parle Gobert et c’est ce qu’il produit. Démonstration par l’exemple… pas mauvais, mais difficile à apprécier.

 

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